Petit matin à la vigne
Il y a des journées qui commencent particulièrement bien … Des journées où l’on se dit que ce métier c’est le plus beau métier du monde, que Cabrières c’est le plus bel endroit du monde, et qu’on est les plus chanceux du monde …
Parce que quand même, commencer sa journée dans le silence de la campagne encore endormie, avec juste le bruissement d’aile de quelques rapaces, le chant de quelques oiseaux matinaux, le passage d’un lièvre, le frémissement du vent …
Dans ce silence, le moindre bruit prend tout son poids, toute son importance : on ose à peine marcher sur les cailloux, tellement cela résonne …
Ça sent la rosée, l’humidité méditerranéenne, presque épicée, emprunte de l’odeur des pins, des cistes et du thym … Ça sent le bois, les fleurs de genêts, l’herbe fraîche …On en oublie presque de travailler tellement on admire, on hume, on s’émerveille.
Il faut profiter ! Cela ne dure pas longtemps, à peine une heure …
Petit à petit, la lumière rose du matin va laisser sa place à une clarté plus nette, plus jaune, la garrigue va se réveiller, se réchauffer, les odeurs tièdes et humides vont devenir plus lourdes, plus insistantes.
Il sera temps de partir, cette fois sans craindre de faire du bruit, la magie est passée, on n’est plus seul, là-bas un tracteur arrive, l’activité de la journée va commencer.
La nôtre, c’est sûr, ne sera que meilleure, de ces instants de paix goûtés, en tête-à-tête avec la vigne.
Ces petits instants de bonheur, il faut les dire quelquefois, pour ne pas les oublier, même dans les moments difficiles, car ce sont aussi pour eux que l’on continue, que l’on garde quelques vignes, quelques futures bouteilles …
Tout vin commence ici : le plaisir des heures silencieuses passées à soigner sa plante, à ébourgeonner, attacher, enlacer dans les fils …